46 %. C’est l’explosion de prescriptions de médicaments pour traiter l’obésité en France sur une seule année, selon l’Assurance maladie. Un chiffre qui en dit long : la course à la perte de poids médicale dépasse désormais celle du diabète de type 2. Les lignes bougent, les stratégies aussi. Certains traitements détournés de leur usage initial s’imposent en première ligne contre l’obésité, tandis que les autorités sanitaires avancent prudemment, interpellées par l’arrivée de nouvelles molécules et par leurs effets à long terme encore mal cernés.
Obésité : comprendre les enjeux du traitement médical
En France, près d’un adulte sur six est concerné par l’obésité, d’après les données Esteban. Mais derrière ce pourcentage, chaque histoire est différente. Gérer le surpoids ne se limite pas à surveiller la balance ou à calculer un indice de masse corporelle (IMC). La réalité du terrain impose une adaptation fine du parcours de soins à chaque patient.
D’après la Haute Autorité de Santé, le traitement médicamenteux n’intervient que lorsque la diététique et l’activité physique échouent à faire baisser le poids. Il s’adresse à ceux dont l’IMC dépasse 30, ou 27 lorsque des complications médicales comme l’hypertension ou le diabète s’ajoutent. Mais ce feu vert ne tombe jamais dès la première consultation : c’est un relais, pas une première étape.
Pour décider si un médicament est indiqué, plusieurs facteurs entrent en jeu :
- le niveau de surpoids ou d’obésité du patient,
- l’absence de succès malgré une démarche nutritionnelle sérieuse,
- et l’existence de complications médicales (comme l’hypertension, le diabète de type 2 ou les apnées du sommeil).
Aucune prise en charge ne se ressemble. Les patients viennent avec leur histoire, leurs freins, leurs espoirs. D’où la nécessité, rappelée par la HAS, de réévaluer régulièrement l’efficacité et la tolérance du traitement : ici, l’objectif va bien au-delà du chiffre sur la balance. Il s’agit de préserver, ou de retrouver, une santé solide et durable.
Quels médicaments anti-obésité sont aujourd’hui disponibles et comment agissent-ils ?
Depuis peu, l’arsenal thérapeutique s’est enrichi. Des médicaments comme le semaglutide (Wegovy), le liraglutide (Saxenda) ou encore le tirzépatide (Mounjaro) ont obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ou sont sur le point d’y accéder. D’autres, comme l’orforglipron, s’apprêtent à rejoindre la liste. Derrière ces noms, deux laboratoires dominent la scène : Novo Nordisk et Eli Lilly.
Leur point commun ? Ils appartiennent à la famille des analogues du GLP-1, une classe de molécules qui imitent le fonctionnement d’une hormone intestinale. Concrètement, une injection hebdomadaire ou quotidienne va agir de trois façons : stimuler l’insuline, ralentir la vidange de l’estomac et envoyer au cerveau un signal de satiété renforcé. Grâce à cette triple action, l’appétit diminue, ce qui facilite une perte de poids durable, à condition, bien sûr, que le traitement s’accompagne d’un régime hypocalorique et d’une activité physique régulière.
L’accès à ces traitements reste très encadré : ils sont réservés à des patients ayant un IMC élevé et sont prescrits après un bilan médical complet. Les dernières études sont formelles : la perte de poids moyenne varie de 10 à 20 % selon le médicament utilisé et la durée du traitement, une efficacité qui surpasse nettement les solutions précédentes. Mais chaque molécule a ses spécificités, de la fréquence d’injection à la tolérance individuelle, ce qui impose un véritable travail d’ajustement pour chaque patient.
Effets secondaires, efficacité réelle : ce que révèlent les dernières études
Les analogues du GLP-1, en particulier le semaglutide et le tirzépatide, ont fait l’objet d’un suivi étroit dans de récents essais cliniques et études de cohorte. Les résultats sont nets pour certains : jusqu’à 15 % de perte de poids en moyenne, parfois plus lorsque l’IMC initial est particulièrement élevé. Mais la réponse au traitement n’est pas universelle ; elle varie d’un patient à l’autre.
Côté effets indésirables, les troubles digestifs dominent : nausées, vomissements, diarrhées ou constipations, le plus souvent temporaires et s’atténuant au fil des semaines. Le risque d’hypoglycémie reste rare, sauf si le traitement est associé à d’autres antidiabétiques. Attention toutefois pour les personnes avec antécédents de pancréatite ou de troubles digestifs chroniques : la prudence s’impose. On note également, selon plusieurs études, que la perte de poids s’accompagne parfois d’une diminution de la masse musculaire, un point de surveillance surtout chez les patients plus âgés.
La sécurité de ces médicaments est sous la loupe de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Quelques signalements isolés font état de problèmes rénaux ou, plus rarement, de troubles psychologiques comme la dépression. Les médecins sont donc tenus de réévaluer régulièrement la balance bénéfices/risques, en s’appuyant sur les recommandations actualisées de la HAS et les retours des patients qui ont déjà entamé ce parcours de soins.
Médicaments ou chirurgie : comment choisir la meilleure option selon son profil ?
Pour traiter l’obésité, il n’y a pas de recette unique. Le choix entre médicaments et chirurgie bariatrique dépend de critères précis, définis par la HAS et encadrés par l’ANSM. Les analogues du GLP-1, désormais incontournables, s’adressent aux personnes dont l’IMC dépasse 30 kg/m², ou 27 si une maladie associée complique le tableau, surtout après l’échec d’un changement de mode de vie.
La chirurgie de l’obésité (comme la sleeve gastrectomie ou le bypass) est envisagée lorsque l’IMC grimpe au-dessus de 40 kg/m², ou à partir de 35 kg/m² en cas de comorbidités sévères. Elle promet une perte de poids rapide et marquée, mais ce choix implique un suivi postopératoire strict et expose à des risques particuliers comme certaines carences, des complications chirurgicales ou infectieuses.
Avant toute décision, un parcours pluridisciplinaire s’impose, intégrant :
- l’analyse du profil métabolique,
- la prise en compte de l’histoire pondérale,
- et l’évaluation de la motivation à adopter durablement de nouveaux comportements.
Les attentes du patient, sa capacité à bouger les lignes dans son quotidien, mais aussi les conditions imposées par les autorités sanitaires, pèsent dans la balance. La chirurgie bariatrique n’est proposée qu’en dernier recours, jamais en première option. Quant aux médicaments, ils s’inscrivent dans une démarche globale, combinant alimentation adaptée, exercice physique et accompagnement psychologique. La lutte contre l’obésité ne se joue ni sur un coup de dés, ni sur une ordonnance unique : l’enjeu, c’est la cohérence d’un parcours pensé sur mesure, pour chaque histoire, chaque trajectoire.


